La bière artisanale ne se limite plus à la quête de saveurs originales. Aujourd’hui, de nombreuses brasseries s’engagent dans des démarches locales et durables pour préserver la biodiversité et réduire leur empreinte écologique. L’inflation de certaines matières premières, notamment le verre, et le prix des carburants, incitent de nombreuses entreprises à repenser leur mode de production. Encore méconnues, ces initiatives prouvent que l’art brassicole peut aussi être un acte en faveur de la nature. En adoptant des pratiques responsables, ces acteurs réinventent le brassage tout en incitant le public à intégrer un mot d’ordre : « Buvons local ! »
Matières premières et biodiversité
L’utilisation d’orge bio et de variétés anciennes favorise la biodiversité et protège les sols. Moins exigeantes en intrants chimiques, ces variétés locales, comme l’orge Chevalier en Bretagne, réduisent l’impact carbone et apportent des micronutriments supérieurs aux variétés modernes, apportant une typicité gustative. La Brasserie de l’Ombre (Plélan-le-Grand, 35) collabore avec des agriculteurs bio et malteurs locaux depuis 2021 pour produire une orge aux taux de protéines entre 9,5 % et 11,5 %, alliant goût et durabilité. En Normandie, la Ferme de l’Être Soyer (61) brasse La Trotteuse avec l’orge cultivé sur ses terres, illustrant un modèle local et responsable.
150 variétés anciennes de céréales à paille
À Roncherolles-sur-le-Vivier (près de Rouen), l’association Triticum préserve 150 variétés anciennes de céréales à paille sur une parcelle de 5.000 m². Cultivées avant 1914, ces céréales rares, comme le « gros bleu » ou le « barbu du Mâconnais », sont un trésor pour la biodiversité et le patrimoine agricole.
Comment ne pas évoquer Normandie Malt. Depuis 2019, la malterie fondée par Marie et Franck Polidor à Saint-Martin-des-Entrées (près de Bayeux), joue un rôle clé dans la filière brassicole locale. Cette entreprise se positionne comme le chaînon manquant entre les houblonniers, les agriculteurs et les brasseurs en proposant des solutions en circuit court, local et bio. En valorisant des céréales bio et locales, cette malterie offre un malt de qualité tout en relocalisant la production. Une démarche qui soutient une agriculture durable et un savoir-faire normand précieux. Chez mesbieres, on aime ça !
Le défi des houblons locaux
En France, le houblon est cultivé en alsace notamment. En Normandie, Benoît Lamy, producteur de houblons sous la marque Benhop’s (Touffréville), collabore avec des brasseries comme Les Champs qui Moussent (Livarot), Normandy Beer Factory (Démouville) et Les 9 Mondes (Ranville). Ces initiatives illustrent le renouveau du houblon local, porté par l’association Houblons de Normandie, créée en 2019. Rejoignant l’AGPH (Association Générale des Producteurs de Houblons de France), cette structure fédère des producteurs comme Benhop’s, la Houblonnière du Pépin, Houblons de Lictot, la Ferme du Grand Donnay ou Houblonn’eure.
Certains brasseurs, comme De Sutter ou le Château de la Bière, cultivent leurs propres houblons. D’autres explorent l’utilisation de houblons sauvages pour des recettes originales, bien que cette pratique reste marginale. Avec une malterie à Bayeux, des champs de houblons à Touffréville, de l’orge du Pays d’Auge, etc. la filière bière en Normandie prend de l’ampleur et convainc de plus en plus de brasseurs de créer des bières 100% normandes. Ensemble, ces acteurs bâtissent une filière normande durable et artisanale, en valorisant la qualité locale et le respect des écosystèmes.
La magie de la nature se trouve dans les levures sauvages
Les levures sauvages, présentes dans l’air ou sur les fruits, séduisent les brasseurs en quête de naturalité. Utilisées pour les fermentations spontanées comme les lambics belges, elles offrent une signature unique, valorisant la biodiversité microbienne. En France, des brasseries comme Thiriez (59) ou la Parallèle (34) innovent dans ce domaine.
Déjà, certaines brasseries vont encore plus loin en intégrant des initiatives de reforestation à leur modèle économique. Chaque bière vendue peut financer la plantation d’arbres, contribuant à la lutte contre le changement climatique et à la restauration des habitats naturels. En Belgique, la brasserie Chouffe agit avec l’association Bos+ pour sauvegarder la richesse de la forêt de Terwagne, près de Nandrin et lutter contre le réchauffement climatique. Plus au sud, en Espagne, c’est le groupe Ágora (marques Cervezas Ámbar et Moritz) qui participe à une opération de reboisement en forêt de Peñaflor, près de Saragosse, où 1.000 arbres seront plantés.
Réduire l’impact écologique de la production de bière
Afin de réduire l’impact de leur activité, de nombreuses brasseries cogitent. Elles cherchent à faire des économies à tous les stades du brassage, très énergivore. Notamment sur l’eau qui est l’un des ingrédients les plus importants de la bière, car elle représente environ 95% de sa composition. L’eau est utilisée à toutes les étapes : culture de l’orge et du houblon, maltage, brassage (avec 75 % d’évaporation) et nettoyage. Les plus grandes consommations proviennent cependant de la fabrication des bouteilles en verre et des phases de rinçage.
Pour limiter cet impact, certaines brasseries optent pour des granulés de houblon, qui n’absorbent que 0,6 à 0,7 litre de moût par 100 grammes, contre 1,5 litre pour les fleurs. D’autres réutilisent l’eau de refroidissement pour nettoyer leur matériel et leurs locaux. Enfin, quelques établissements expérimentent le brassage à crue. Cette méthode traditionnelle, sans ébullition, limite les pertes d’eau et réduit les besoins de refroidissement. Toutefois, elle exige une grande maîtrise pour éviter infections et faux-goûts.
Réduction de la consommation d’énergie
Pour réduire leur consommation électrique, les brasseries multiplient les astuces. Des coussins d’isolation thermique, ajustés aux cuves de brassage, permettent d’économiser jusqu’à 50 % d’énergie en maintenant plus efficacement la température. Paolo Sessini, de l’Embrasserie Querquevillaise, partage même un tutoriel DIY pour en fabriquer soi-même. L’Ademe propose d’autres solutions comme celle d’utiliser les buées d’ébullition pour préchauffer le moût, récupérer l’eau chaude pour alimenter le pasteurisateur ou chauffer les locaux avec l’air des surpresseurs d’épuration. Chaque goutte et chaque calorie d’énergie comptent !
Des recherches ouvrent aussi de nouvelles perspectives. Certaines levures, comme LalBrew Voss™ ou LalBrew NovaLager™, permettent de fermenter à des températures plus élevées, réduisant ainsi les besoins en refroidissement. En parallèle, produire des bières troubles, qui évitent les étapes de clarification, pourrait aussi limiter l’énergie consommée. Enfin, en Belgique, des brasseries innovent avec des stations d’épuration où des bactéries transforment l’eau usée en méthane et CO2, réutilisés comme énergie. Les Géo Trouvetout n’ont pas de limite…
L’économie circulaire dans le brassage
L’économie circulaire, en rupture avec l’économie traditionnelle dite « linéaire », propose d’inventer de nouveaux modes de production et de consommation pour économiser les ressources. Les initiatives poussées par des brasseries artisanales sont nombreuses. Pour des brasseries artisanales, le bio est un choix de cohérence. Il garantit des matières premières respectueuses de l’environnement, tout en répondant à une demande croissante de transparence et de qualité. Travailler en bio valorise le savoir-faire des brasseurs, qui innovent avec des ingrédients locaux et durables.
Enfin, c’est un engagement fort : préserver la planète tout en proposant des bières éthiques et savoureuses. Ainsi, de très nombreuses brasseries françaises se sont orienté vers le bio. Rien qu’en Normandie, elles sont des dizaines… Parmi celles-ci citons La Lie, Bioterre, le Château de la Bière, Les Deux Amants, la Brasserie de la Baie, la brasserie de Renart, Les Travailleurs de l’amer, la Valdal, la Brasserie de l’Odon, etc.
Produites et bues localement
Produire une bière 100 % locale en utilisant exclusivement des matières premières de la région présente un intérêt écologique majeur. Cela réduit l’empreinte carbone en limitant les transports liés à l’importation des ingrédients comme le malt ou le houblon, souvent acheminés sur de longues distances. Cela favorise également les circuits courts, soutient l’agriculture locale et encourage des pratiques durables. Par ailleurs, le choix d’ingrédients bio amplifie cet impact positif en limitant l’usage de pesticides et en préservant la biodiversité.
En Normandie, plusieurs brasseries illustrent cet engagement. Étienne Confiant, fondateur de la Normandy Beer Factory à Démouville, a développé la Biche IPA, une bière 100 % locale et bio, qui valorise exclusivement le malt et le houblon normands. La Baya, se fourni en malt à la Normandie Malt, la malterie de Bayeux et achète ses houblons pour sa blanche et son ambrée à la houblonnière du Pépin créée par Charlotte Yger à la Lucerne-d’Outremer, dans la Manche. Cette initiative renforce non seulement l’identité régionale mais montre aussi qu’il est possible de produire des bières artisanales de qualité tout en respectant l’environnement.
Le retour de la consigne pour les bouteilles de bière
Réemploi plutôt que recyclage, c’est un pas de géant pour l’écologie. Le réemploi des bouteilles de bière permettrait de réduire de 33 % la consommation d’eau, de 76 % l’énergie utilisée et jusqu’à 79 % des émissions de gaz à effet de serre. Une bouteille robuste peut ainsi avoir une durée de vie entre 20 et 40 utilisations. Des brasseries comme le Brasseur Quibois, Captain James, De Sutter, ou encore l’Écume des Falaises ont adopté la consigne sur leurs bouteilles (33 et 75 cl). Des initiatives locales, comme le projet caennais Swiv (ex-Suivez la consigne) et les points de dépôt chez Biocoop ou certains commerces, visent à relancer cette filière.
Pour limiter encore leur empreinte carbone, d’autres brasseries optent pour la canette. Fabriquée en aluminium ou en acier, elle est entièrement recyclable et deux fois moins polluante qu’une bouteille en verre (60 g de CO₂ contre 120 g pour 33 cl). Son faible poids (15 gr contre 160 gr) réduit les émissions de transport (-20 % de CO₂), tout en offrant une logistique plus simple. Ainsi, citons par exemple, la brasserie Gekko (83), la Brasserie Fondamentale (75), 1989 Brewing (76), la Brasserie La Georgette (17), brasserie Les Intenables (67) ou encore la Brasserie Sauvage (35), la Brewmaker (14), la BAPBAP (75) ou la Brasserie Louarn (35). Pour elles, c’est certain Yes, We Can !
Le consommateur de bière a un rôle déterminant
L’économie circulaire inspire aussi le traitement des déchets. Les drêches, issues du malt, trouvent une seconde vie : elles nourrissent le bétail, fertilisent les sols, ou se transforment en crackers ou pain, comme ceux produits par Brewsticks. Rien ne se perd, tout se transforme, même dans nos verres !
Quelques mots de conclusion. Ces initiatives, bénéfiques pour la planète, séduisent des consommateurs toujours plus sensibles aux enjeux écologiques. Choisir une bière artisanale devient alors un acte engagé pour soutenir une agriculture durable. En favorisant les circuits courts et la sobriété énergétique, les brasseries artisanales montrent qu’il est possible de concilier plaisir et écoresponsabilité. Le consommateur joue un rôle clé en privilégiant des brasseries engagées dans ces pratiques. Buvons local, buvons responsable !
La vente d’alcool est interdite aux mineurs.
Souvenez-vous que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé et qu’une consommation modérée est conseillée.